l'histoire du presbytère de Borley
Situé dans le Comte de l’Essex sur la côte Est de l’Angleterre, Borley est un petit village qui borde la rivière Stour près de Sudbury. D’apparence modeste, le voyageur qui s’y égare ne saurait deviner la présence d’une église et des restes d’un ancien presbytère faisant l’objet d’une retentissante histoire de hantise et attirant chaque année de nombreux touristes en quête d’insolite. Or, ce sont les recherches très médiatisées du célèbre chasseur de fantômes Harry Price qui ont donné au lieu sa véritable notoriété à partir des années 1930.
Spécialisé dans les investigations paranormales, Harry Price est tombé un jour de juin 1929 sur un article de presse du Daily Mirror rapportant l’histoire du fantôme d’une novice qui hanterait le presbytère depuis sa construction en 1863 par le révérend Henry Bull.
Erigé à l’emplacement d’un ancien monastère du 13ème siècle, le presbytère serait victime d’une malédiction liée au triste sort d’une jeune et capricieuse nonne du couvent de Bures, secrètement amoureuse d’un moine du Prieuré de Borley. Or, ils furent arrêtés et condamnés à mort alors qu’ils tentaient de s’échapper en charrette. Depuis ce drame où le moine fut pendu et sa maîtresse emmurée vivante, les fantômes sont devenus monnaie courante dans le coin. Le révérend Bull et ses 14 enfants en feront les frais jusqu’à la mort du dernier fils, Harry, en 1927.
Les phénomènes recensées sont éloquents : bruits de pas, coups frappés sur les murs, apparitions en tous genres (religieuse, moine sans tête, carriole et chevaux), déplacements d’objet,… Rien ne manque au point que, dans un premier temps, le révérend se construit une dépendance pour assister au ballet du fantôme de la religieuse, les soirs d’été, cigares à la main.
Mais le spectre se faisant de plus en plus menaçant, le spectacle sera de courte durée. D’autant plus que les domestiques fuient le lieu les uns après les autres.
Après les Bull, c’est au tour des Smith d’emménager au presbytère en octobre 1928. Avertis par les rumeurs locales, le révérend Eric et sa femme veulent faire appel à une société d’études psychiques et consultent à ce sujet l’éditeur du Daily Mirror pour lequel un reporter fera l’article déterminant pour Harry Price en 1929. Grand spécialiste de la magie depuis son plus jeune âge, il s’est fait une spécialité de démasquer les arnaques aux causes prétendues surnaturelles.
Envoyé par le journal, Price se rend au presbytère pour la première fois le 12 juin 1929. Or, les manifestations prennent une autre tournure : des pierres sont jetées, des messages de l’au-delà sont transmis par un miroir frappeur et la bonne des Smith, Mary Pearson, est témoin d’apparitions.
Incommodés par les perturbations paranormales et la publicité qu’elles engendrent, les Smith quittent le presbytère et vont s’installer non loin de là, à Long Melford, pour continuer à s’occuper néanmoins de la paroisse. Ils adressent régulièrement des rapports à Harry Price sur les événements de Borley jusqu’en avril 1930. Quand le révérend quitte définitivement le comté pour Norfolk, la hantise reste en sommeil pendant 6 mois.
L’intensité des phénomènes va s’accroître avec l’arrivée des Foyster en octobre. Cousin du révérend Harry Bull, Lionel Foyster s’installe à Borley avec sa femme Marianne et leur petite fille de deux ans et demi, Adélaïde. Confirmée par les voisins, la violence des manifestations (agression physique) est telle que les Foyster rappellent Harry Price en septembre de l’année suivante. Ses analyses ne tardent pas à viser la jeune épouse Foyster, accusée d’être – consciemment ou inconsciemment ? – à l’origine d’une série de messages griffonnés sur les murs.
Phénomène subjectif attribué à Marianne ou intervention d’un autre esprit ? L’opinion de Price va osciller entre ces deux thèses. La décision est prise de pratiquer un exorcisme en janvier 1932 par un groupe de spirites mené par Marks Tey et le médium Guy L’Estrange. Après deux mille phénomènes prétendus paranormaux recensés en cinq ans, tout cesse brusquement. Du moins le croit-on jusqu’à ce qu’une étrange musique soit entendue près de l’église et que le vin de messe se transforme en encre…
Le coup de grâce est donné lorsque la petite Adélaïde est agressée par « quelque chose d’horrible ». Les Foyster quittent alors Borley en octobre 1935 laissant le presbytère inoccupé jusqu’à la nomination du révérend Henning en mars 1936 qui demande à l’évêque l’autorisation d’aller habiter le presbytère voisin à Liston, soi-disant plus spacieux…
Pendant ce temps, Harry Price décide de louer le presbytère maudit pour le soumettre à des investigations poussées. Tel le docteur Montague dans le roman « Maison Hantée » de Shirley Jackson, il va convier à Borley les meilleurs spécialistes en faisant paraître une petite annonce dans le Times de Londres daté du 25 mai 1937 : « Maison hantée : toutes personnes saines de corps et d’esprit, intrépides, à l’esprit critique et impartial, sont invitées à rejoindre notre équipe de témoins dans le cadre d’une enquête d’une durée d’un an, de jour comme de nuit, dans une maison présumée hantée située dans notre Comté. Références exigées. Toute formation scientifique ou capacité à manipuler des équipements simples seraient un plus.
La maison étant isolée, voiture personnelle indispensable. ». La boite postale de réponse ne tarde pas à être inondée de candidatures, la plupart du temps sans grand intérêt. Mais dans cette avalanche de propositions, Price isole quarante-huit participants crédibles parmi lesquels un certain M.S.H. Glanville, ses enfants Roger et Helen ainsi que le diplomate britannique Mark Kerr-Pearse.
Harry Price distribue aux enquêteurs un guide décrivant les méthodes et les outils d’investigation de lieux hantés. Cette bible du chasseur de fantômes servira de base d’écriture pour les deux ouvrages que Price a consacré à la hantise de Borley, « La maison la plus hantée d’Angleterre » et « La fin du presbytère de Borley » publiés respectivement en 1940 et 1946.
Prenant plus ou moins de libertés avec les instructions de Price, les enquêteurs du surnaturel vont passer le lieu au peigne fin, multipliant les relevés scientifiques et les séances de spiritisme. Lors d’une séance de oui-ja animée par Helen Glanville, la planchette s’affole sur les lettres et donne des renseignements précis sur l’identité de la religieuse assassinée. Il s’agirait d’une française du nom de Marie Lairre qui aurait quitté le couvent pour épouser l’héritier d’une riche famille de Borley, Henry Waldegrave.
Dans un accès de folie, ce dernier l’aurait étranglée et enterré sa dépouille dans la cave de son manoir, anciennement érigé sur le site du presbytère au 17ème siècle. La privant d’une sépulture consacrée, son esprit aurait donc été condamné à hanter les environs.
Le 27 mars 1938, le oui-ja s’anime de nouveau sous la dictée d’une entité répondant au nom de « Sunex Amures » qui prédit la destruction du presbytère par le feu et la découverte dans les ruines des restes d’une nonne assassinée. La prédiction se réalisera onze mois plus tard…
En effet, les interventions de Harry Price à la radio attirent l’attention du Capitaine W.H. Gregson qui, après s’être rendu propriétaire du Prieuré de Borley, mettra le feu par inadvertance à la bibliothèque du presbytère, avec une lampe à pétrole, dans la nuit du 27 au 28 février 1939.
Un an plus tard, Price fait paraître son premier livre, suscitant une vague de théories au sujet de la religieuse. Entre 1940 et 1946, de nombreux amateurs vont défiler dans les ruines de Borley en quête d’une preuve. Ou à la recherche d’un trésor enfoui dans les environs après la dissolution des monastères ?
En 1943, Harry Price entreprend des fouilles selon les instructions de « Sunex Amures » dans les caves du presbytère en ruine et découvre les ossements humains qu’on suppose être ceux de la religieuse de Borley. La dépouille est enterrée dans une sépulture chrétienne du proche cimetière de Liston en mai 1945, censé, selon Price, apporter le repos éternel à l’âme de la défunte. En vain…
Malgré la destruction de l’édifice en 1944, la légende perdure et les photos spirites se multiplient. Rien ne semble pouvoir arrêter les phénomènes. Pas même la vague de démentis qui a commencé en octobre 1945 avec la première lettre de Madame Eric Smith adressée au Church Times. Dans son courrier, elle reconnaît que ni elle, ni son révérend de mari n’ont cru à la hantise de Borley. Abnégation qu’elle réitère quatre ans plus tard dans une seconde lettre envoyée au Daily Mail.
En 1958, de l’huile est jetée sur le feu par Marianne Foyster qui confie à des chercheurs que toute cette affaire n’était qu’une vaste mystification.
Mais c’est surtout en 1948, année de décès d’Harry Price, que les attaques seront les plus virulentes. Le chasseur de fantômes est accusé d’avoir amplifié volontairement les événements insolites de Borley pour servir sa cause.
Au bénéfice du tourisme, le mystère n’a toujours pas été résolu à ce jour. Une célèbre voyante britannique du nom de Lilian Bailey aurait reçu un message de l’au-delà signé Harry Price qui disait : « Le presbytère est vraiment hanté. Borley le prouvera de lui-même et je serai vengé, même si pour ce faire, je dois y revenir et m’y manifester moi-même… » Quelle preuve de conscience professionnelle !
Pour l'anecdote David Bamber prit une photo etrange en 1995 a Borley semblant montrer Harry Price par-dessus une pierre tombale....